Les mains sont faibles et décharnées. Parfois un léger tremblement. Oubli de soi-même et des autres. Peu importe l’apparence physique, il y a tant de difficultés à surmonter chaque jour. Ne plus pouvoir se lever seul, encore moins marcher. L’ouïe est perdue depuis longtemps. Ils restent dans une bulle de silence. Autour, des bouches et des corps s’agitent. Les visiteurs. Leur présence est à la fois un bonheur et une douleur. Bonheur parce que cela crée de la vie. Ils ne sont pas là souvent et ils animent un quotidien morne. Douleur parce que leurs yeux les renvoient à la déchéance de leur condition. Douleur parce qu’une fois partis, ils sont laissé à leur solitude intolérable. Une solitude vide. Impossible de faire quoi que ce soit. L’attente. Laisser couler le temps. Très lentement. Refuge du sommeil.
L’expression est difficile. Celui-là ne sait plus ce qu’il dit. Cet autre est très lucide, mais les mots refusent de franchir ses lèvres. Il n’en sort que des sons étouffés. La détresse de ne pouvoir mieux se faire comprendre. Les visiteurs qui parlent comme s’ils étaient imbéciles, incapables de comprendre. Si pour certains c’est le cas, pour lui ça ne l’est pas. Lui reste un jeune homme dans le corps d’un vieillard. Il a l’esprit vif, mais toute son enveloppe est une barrière infranchissable.
Heureusement l’odorat n’est plus là depuis longtemps, mais le dégoût se lit sur le visage des visiteurs. Tout dans leur mine leur rappelle cruellement qu’il est horrible d’être ici. Entre vieilles personnes. La vieillesse est un fardeau. Mieux vaut qu’elle ne dure pas très longtemps, se dit-il.