Jusqu’à présent, elle avait toujours regardé cela de loin. Les gens pouvaient bien dire et faire ce qu’ils voulaient tant qu’ils n’essayaient pas de régenter sa vie à elle. Après tout s’ils voulaient se rendre esclaves et qu’ils en étaient heureux, elle ne voyait pas bien ce qu’elle pouvait y faire. Et puis les discours dans son entourage s’étaient faits plus virulents. Les dirigeants essayaient de prendre des mesures pour que les gens comme elle rentrent dans le rang. En somme il avait bien fallu qu’elle s’intéresse aux raisons qui les poussaient à vouloir à tout prix être insatisfaits de leur vie.
Elle avait donc ouvert ses yeux et ses oreilles, écouté des témoignages et essayé de contre-attaquer. Elle ne laissait plus passer aucun argument illogique. Elle argumentait, passait du temps à essayer de montrer à ses interlocuteurs qu’à se laisser exploiter ils construisaient leur propre malheur. Pourtant il était difficile de les faire changer d’avis. Elle se sentait par moments démunie. Pour elle, à qui l’idée de construire son bonheur sans contraintes semblait une évidence, il était difficile de comprendre comment autour d’elle les gens n’étaient pas plus convaincus.
Ils avaient construit leur vie selon un modèle trop profondément ancré pour pouvoir le remettre en question. Peut-être était-ce peine perdue. Pourtant, elle ne voulait pas renoncer. Comment les abandonner à leur servitude sans essayer de lutter ? Elle ne pouvait s’y résoudre. Elle était devenue militante.