Celle qui n’existait pas

Elle avait l’impression d’être transparente. Une personne qui est là, mais qu’on ne voit pas. À laquelle on ne prête pas attention. Autour d’elle, ses amis brillaient de mille couleurs. Suscitaient l’amour, l’excitation, l’admiration, la colère. Elle était fade, ne suscitait rien. Si encore elle avait provoqué chez eux de l’énervement ou de la haine… Mais non, son insipidité faisait qu’elle n’éveillait aucun sentiment chez les autres, jamais. Elle aurait aussi bien pu ne pas être là. D’ailleurs personne n’avait jamais insisté pour qu’elle vienne à telle ou telle soirée entre amis. Son absence ou sa présence ne faisaient ni chaud ni froid.

Elle se demandait même comment il se faisait qu’elle recevait toujours les invitations. Le jour où personne ne la mettrait plus dans la boucle des mails, s’en serait vraiment fini de sa vie sociale. Quand il y avait des discussions autour de la table de l’apéritif, elle n’essayait même plus d’intervenir. Trop souvent elle avait souffert de n’être pas écoutée et qu’on lui coupe la parole comme si elle n’avait jamais parlé. Il était moins douloureux de rester silencieuse, patiente en attendant le moment où tout le monde rentrerait chez soi.

Les fois où elle allait vraiment mal, elle se demandait pourquoi elle continuait d’y aller. Peut-être qu’elle n’était pas transparente avec tout le monde, qu’en savait-elle au fond ? Dans ses moments les plus fous elle se disait qu’elle l’était peut-être parce que c’était l’image qu’ils lui renvoyaient tous, mais ces instants de bonne estime d’elle-même ne duraient jamais longtemps. Alors elle y retournait, soirée après soirée. Parce qu’elle n’avait rien de vraiment mieux à faire.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *