Être lu

Être lu. Il sait qu’il aimerait l’être et en même temps cette possibilité le terrifie. Écrire pour les autres ou écrire pour soi-même, il lui semble que ce n’est pas la même chose. Il a l’impression que s’il donnait à lire, il devrait faire plus attention à ce qu’il écrit, le travailler davantage. Mais il aime la spontanéité de son écriture. Sa liberté. N’être pas lu lui laisse le loisir d’écrire exactement ce qu’il veut.

Il aime bien dire que c’est pour cette raison qu’il garde ses textes secrets. Il sait aussi qu’il a peur. Peur de partager une part de lui-même. Peur de blesser peut-être. Un poète se nourrit de sa propre vie. Il ne peut pas se cacher quand bien même il changerait les lieux et les pronoms. Une mise à nu. Mais il n’est pas encore suffisamment exhibitionniste, il préfère garder ses textes à l’abri, dans le secret de ses pensées.

Parfois, lorsqu’il lit la poésie des autres, il s’imagine à leur place. Il fantasme leur gloire qu’il n’a pas. Et puis la pointe de jalousie. Pourquoi eux et pas lui ? Qu’est-ce qui fait que eux sont lus ? Il se rappelle ensuite qu’être lu l’angoisserait profondément. Mieux vaut sans doute rester sur la construction de ses fantasmes.

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