Ils étaient allongés, nus, l’un à côté de l’autre. Constance était sur le côté. Elle avait passé son bras et sa jambe sur le corps de Gabin pour profiter un peu plus du contact peau à peau.
– « Je suis bien, là, dit-elle, Je pourrai rester comme ça tout le temps.
– Je pense que tu finirais par t’ennuyer.
– Non, jamais… Je vais faire un travail sur la nudité. C’est trop bien d’être nu. On devrait tous vivre nus. Tout le temps.
– Haha. Non, moi j’aime bien les vêtements. J’aime bien mon pyjama. »
Il avait dit ça en lui chatouillant la tête car son pyjama était une source de conflit entre eux. Gabin dormait en pyjama. Il détestait le contact des draps directement sur sa peau. Il avait besoin d’une « interface », comme il disait, entre lui et le monde. Constance adorait le contact des draps sur sa peau nue et elle détestait devoir toucher ces horribles pyjamas de Gabin, barrière supplémentaire entre elle et lui.
– « Je crois que ma prochaine pièce sera faite en collaboration avec un chorégraphe. Les danseurs seront nus dans l’espace. Le public sera invité à participer s’il abandonne les artifices du vêtement derrière lui.
– Tu vas nous faire une caricature de danse contemporaine.
– C’est vrai que la nudité en danse, ça n’a rien de très novateur… Pourtant ça reste tabou. Il faudrait que l’on sorte la nudité de la sphère arty dans laquelle elle est connue pour la proposer ailleurs. En même temps c’est paradoxal parce qu’on est accablé de nudité féminine dans les médias. On nous cache les tétons et la vulve parce que quand même c’est un peu trop intime, mais le reste c’est open bar. Alors que la nudité masculine c’est rarissime. Je rêve de voir des bites affichées dans l’espace public. Toutes sortes de bites. Au repos, petites, grosses, fines, blanches, noires, circoncises, avec prépuce, en érection. La bite dans tous ses états. » Constance se mit à rire. « Ce serait bien, tu ne trouves pas ?
– Je ne sais pas. Je comprends l’intérêt de montrer davantage de nudité désexualisée. Je suis le premier à avoir été formaté et à souffrir de cette gêne face à la nudité et j’avoue que ce n’est pas très sain pour avoir un rapport au corps équilibré, mais je ne vois pas comment, dans notre société, on peut imaginer une représentation du corps désexualisée. Ça me paraît impossible.
– Oui, peut-être. Mais d’ailleurs je ne sais pas si j’ai envie de désexualiser le corps, moi. La nudité masculine comme féminine me procure une excitation sexuelle et c’est là-dessus que je veux travailler. Il faut vraiment que je travaille avec des danseurs. J’adore l’approche de la danse contemporaine sur le corps. La mise en valeur de tous les corps et de toutes les façons de bouger. C’est intéressant, je trouve, de trouver son rythme propre, sa propre gestuelle. Et d’ailleurs je pense qu’un rapport sexuel réussi c’est un rapport dans lequel l’écoute est telle que rythmes et gestuelles des deux partenaires sont en harmonie. On n’a pas toujours le même rythme, nous. Il faudrait travailler là-dessus.
– C’est vrai. Mais ce n’est pas évident.
– Il faut qu’on prenne des cours de danse. On devrait faire du tango. C’est une danse très sensuelle le tango.
– Oui peut-être. On verra.
– Tu dis toujours « on verra », mais finalement on ne voit jamais.
– Madame l’impatiente.
– Être impatiente a ses bons côtés.
– Mais oui, mon amour. »
Gabin l’étreignit et l’embrassa. Elle savait ce que ça voulait dire. Précisément au moment où elle était si bien, lui avait envie de se lever et de retrouver les autres pour participer à la vie en communauté. Il avait déjà fait preuve de générosité par rapport à ses envies en lui offrant ce moment d’intimité.
– « Non, reste avec moi. » Dit-elle d’une petite voix enfantine en le serrant plus fort.
– « Haha ! Mais je ne suis pas parti.
– Je te connais par cœur.
– Encore dix minutes d’amour et on se lève. Ça te va ?
– Oui.
***à suivre***