Lorsque j’ai ouvert Le Papyrophile en novembre 2016, je l’ai fait dans l’idée de partager chaque jour des textes écrits presque tous les matins depuis un an. De proposer un rendez-vous quotidien, un peu de poésie pour commencer la journée.
Ces textes, pour la grande majorité écrits au fil de l’eau à la fin de mon petit déjeuner, ne sont pas travaillés et n’ont pas vocation à l’être. Ils sont éphémères, des morceaux de poésie jetés au hasard dans la mer d’Internet.
Depuis novembre 2016 j’ai réussi à maintenir une certaine régularité dans les publications, mais cela s’est tari dernièrement. Pourquoi ? Parce que sur les conseils avisés de Lionel Davoust, j’ai décidé de consacrer mon rendez-vous matinal d’écriture à un projet de plus longue haleine.
Genèse
J’écris depuis très longtemps. La première expérience d’écriture dont je me rappelle est d’avoir rédigé des histoires inspirées de mes rêves lorsque j’étais en CE2 ou CM1. Mon premier « roman », comme je l’appelais faisait 10 pages écrites dans un petit cahier de brouillon et je devais avoir autour de 10 ans. Déjà à cet âge j’avais la certitude que ma vie future serait faite d’écriture. Je ne me doutais pas alors que mon rapport à elle deviendrait bien plus compliqué avec le temps.

Arrivée au lycée, en seconde, j’écrivais toujours, la pratique ne m’avait pas quittée. C’est alors que j’ai ambitionné un grand projet de saga familial dans un univers de fantasy. Il a occupé toutes mes années lycée et revoyant mes ambitions à la baisse, il s’est transformé en un unique roman, qui s’appelle aujourd’hui Le dernier fils. S’il m’habitait en permanence à l’époque, mes expériences de vie adolescente me paraissaient trop importantes pour que je les délaisse au profit de l’écriture. À 19 ans, prise d’un sursaut d’énergie que je ne m’explique toujours pas, j’ai pourtant terminé le premier jet au prix de plusieurs scènes bâclées et je l’ai laissé là. Pendant plus de 10 ans j’ai jugé que ce roman était trop mauvais pour lui accorder une quelconque attention. J’ai connu d’autres projets d’écriture plus ou moins aboutis jusqu’à ce que j’aie l’envie, il y a un peu plus d’un mois, de remettre mon nez dedans.
J’ai tout relu, affolée par la médiocrité de certains passages, l’absurdité du scénario général et le conditionnement sociétal sexiste qui transpirait dans chaque ligne du récit. J’ai estimé pourtant que 100 pages méritaient d’être sauvées et pouvaient servir à une nouvelle mouture, déconstruite et plus en accord avec la personne que je suis aujourd’hui.

Le complexe du chef d’œuvre
J’ai donc tout remis à plat, revu le scénario depuis ses fondations, repensé les interactions, tout en gardant l’essence des personnages, qui restent chers à mon cœur pour des raisons évidentes. En l’espace d’un mois, le travail effectué sur ce roman me semble colossal en comparaison de tous les travaux d’écriture entrepris auparavant et je vais vous expliquer pourquoi.
Parce que j’ai arrêté de vouloir écrire un chef d’œuvre. Cette envie, d’écrire un premier roman de qualité, qui m’avait toujours habitée, m’a aussi toujours paralysée. À force de relectures critiques je ne voyais plus que la médiocrité qui me décourageait. Aujourd’hui je reprends ce roman pour ce qu’il est : un roman adolescent. Mon but n’est pas dans faire le meilleur des romans adolescents, mais d’en faire un roman déconstruit, qui propose des modèles sociaux différents de ce à quoi j’ai été confrontée dans mes lectures lorsque j’étais plus jeune. C’est tout.

Le dernier fils est un exercice. Un exercice qui a pour objectif de m’apprendre à devenir un auteur. Pas l’auteur aux heures perdues que je suis depuis mes 10 ans, un auteur qui associe sa pratique à des objectifs à sa portée. Écrire un chef d’œuvre n’est pas à ma portée. Écrire un roman déconstruit dont on a envie de tourner les pages, oui.
Voilà pourquoi il n’y a pas eu de poésie quotidienne et éphémère sur le Papyrophile ces derniers jours. Parce que je consacre mon énergie à toucher (comme dit Lionel Davoust) Le dernier fils chaque jour. Il prend du corps dans mon esprit afin d’en prendre davantage sur le papier.
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Je me propose dorénavant de publier aussi ce genre d’articles par ici, pour partager ma vie d’auteur en construction, les réflexions et obstacles que je rencontre sur la route. J’espère que cela vous intéressera.
