L’autocar est arrivé avec une minute d’avance. Sa couleur défraichie suffit à illuminer la route grise. Je me suis installée au milieu des rangées de sièges. Rares sont les voyageurs en ce matin d’hiver. Une femme sans âge nourrit à la main un roquet. À l’arrière, un homme jeune porte une casquette qui projette une ombre sur ses yeux. Je décide de me tenir éloignée de celui-là et m’assoit non loin d’un vieux monsieur aux cheveux blancs. Ils m’hypnotisent ses cheveux. On croirait un aplat de couleur sur une toile. Il est en train de lire le journal. Je regarde sa nuque rose, sous les plis de son écharpe je devine des taches de vieillesse.
Le siège a cette odeur indéfinissable des transports en commun. À chaque fois ça me saute aux narines, comme le cocktail des odeurs des gens qui se mêlent. J’ouvre mon sac et attrape mon baladeur. Je sais qu’on ne dit plus baladeur depuis longtemps, mais j’aime l’histoire que ce mot raconte. Maman a toujours dit que j’étais née trop tard, je crois qu’elle a raison.
L’autocar se met en branle et fait vibrer nos fesses. Lentement je vois le village défiler, ce village que je ne reverrai jamais. Les murs jaunes, noirâtres par endroit à cause de la pluie qui tombe des gouttières trouées. Dans mes oreilles Simon & Garfunkel, The Sound of Silence. Le cliché m’émeut et me réjouit.